jeudi 9 août 2007

crise hypotheque

La crise de l'hypothèque – Du manque d'information à l'indifférence

Les prêts hypothécaires font perdre des milliards de dollars aux membres des communautés de couleur; les pertes de logement constituent à présent un phénomène à échelle nationale.

Il est des choses dont on ne se doute pas en lisant la plupart des journaux ou en regardant la télévision. Il y eu par exemple ce mois-ci des manifestations et des conférences de presse dans tout le pays, exigeant une action contre la crise du logement croissante dans le milieu de la propriété immobilière.

Des groupes pour le droit civil et le logement ont appelé à un moratoire sur les saisies de logements qui frappent individus et familles, et touchent plus particulièrement les populations américaines d’origines africaine et sud-américaine. Après l’agitation que souleva le thème au cours du printemps, la plupart des médias – après avoir été convaincus par l’idée douteuse que la calamité de l'hypothèque « sub-prime » (NDT: crédits immobiliers à taux élevés accordés à des emprunteurs à risque) n’éclabousserait pas l’économie en général – ont plus ou moins rangé le sujet au placard.

(La première page du New York Times du 12 juin relatait une histoire en guise de conseil aux emprunteurs, accompagnée d'un graphique montrant les ravages en cours dans les quartiers latinos et noirs de Chicago). Ce que la plupart ignore est la possibilité que quelque-chose soit fait pour sauver des personnes à présent menacées de perdre leur logement.

Pendant que la nation essaie de se remettre des dommages causés par des prêts « sub-prime » inconsidérés, nous devons absolument corriger leur impact disproportionné sur les Américains d’origines africaine et sud-américaine et sur d’autres populations traditionnellement défavorisées”, d’après une déclaration faite le 4 avril par une coalition de groupes pour les droits et le logement. “Pendant des années, les prêteurs sub-prime ont ciblé les communautés de couleur et mis sur le marché des prêts dangereux et abusifs. Les membres des communautés de couleur ont de ce fait perdu des milliards de dollars à cause de ces prêts hypothécaires, et les pertes de logement constituent à présent un phénomène à échelle nationale.”

Des groupes nationaux de droits civils, incluant la Leadership Conference on Civil Rights, le NAACP, le National Fair Housing Alliance, le National Council of La Raza, et le Center for Responsible Lending, ont appelé les créanciers, les administrateurs de prêt et les investisseurs qui maintiennent des prêts sub-prime non viables accompagnés de « paiements-choc » dans tout le pays, à “instituer un moratoire à effet immédiat d'une durée de six mois sur les saisies de logements dues aux prêts sub-prime, et à travailler en collaboration avec les propriétaires des logements pour les aider à garder leur maison en offrant à ces emprunteurs des prêts viables.”

Les créanciers, administrateurs de prêt et investisseurs ont un large éventail d’outils à leur disposition pour restructurer ou changer les conditions des hypothèques pour soulager les propriétaires qui luttent actuellement contre des prêts non viables qui n’ont jamais été conçus dans ce but” a déclaré le groupe. “Six mois seront le temps dont disposera l’industrie pour travailler avec ces groupes afin d’établir les critères et objectifs à long terme pour résoudre la crise des saisies et pour aider les emprunteurs.”

Les emprunteurs doivent se voir offrir des prêts viables

Le besoin d’un moratoire sur les saisies de prêts sub-prime non viables avec “paiement-choc” est urgent” continue la déclaration. “Si les créanciers, les administrateurs de prêt, Wall Street et les décideurs permettent le flux de saisies sub-prime de continuer de monter, des années de progrès économique dans les communautés de couleur seront balayées, et le fossé entre pauvres et riches et entre races s’élargira plus encore. Il faut offrir aux emprunteurs des conditions de prêts viables dès maintenant.”

Or plus de six semaines ont passé depuis cet appel sans qu’aucune action, sans qu'aucun moratoire n'ait été instauré, et même sans que la majorité de la population ait pu savoir qu'une telle suggestion ait jamais été faite.

Nous sommes au milieu d’un cycle d’élections présidentielles précoces et trois des principaux candidats ont eu à s'exprimer sur le sujet. Les sénateurs Hillary Clinton, de New York, Christopher J. Dodd, du Connecticut, et Barack Obama, de l'Illinois, ont exigé une action fédérale pour éviter qu'une telle crise se répète, mais comme le fait remarquer le Los Angeles Times, aucun d’eux “n’a émis plus que des idées générales pour aider les emprunteurs, et aucun n’a appelé à un programme d’assistance fédérale de grande envergure.”

Et si vous pensez que le manque d’attention à la crise de l’emprunt signifie qu’elle s’est tassée, donnez-vous la peine d'y penser un peu mieux. “Que ceux qui pensent que le pire est derrière nous dans le fiasco des prêts sub-prime laissent au temps le soin de les contredire”, écrivit Gretchen Morgenson, observateur du commerce du New York Times. “Un raz-de-marée d’augmentation des taux d’intérêts sur ces prêts est en vue.”

Durant les cinq prochaines années, environ 1000 milliards en emprunts à taux ajustable seront réévalués”, selon Morgenson, qui n’a pas laissé passer l’affaire et a écrit les rapports les plus édifiants sur le sujet. “Dans un avenir immédiat – de juin à octobre de cette année- plus de 100 milliards de dollars de ce montant doivent déjà être soumis à réévaluation, et ce pour des prêts sub-prime qui appartiennent à la catégorie la plus risquée. Vu le récent pic de taux d’intérêts, beaucoup de ces prêts qui au début comportaient des taux d’intérêts attractifs sont sur le point de monter à au moins 11% - soit plus de 4% de plus que le taux actuel sur un prêt pour le logement conventionnel sur 30 ans”.

Les chances que les emprunteurs, même les plus aisés, puissent supporter de tels paiements sont minces”, écrit Morgenson. “Et ainsi, pendant que la tempête des réévaluations fait rage, les impayés augmenteront et les saisies vont se poursuivre”, ajoutant qu’il est trop tôt pour dire combien de saisies sont à prévoir, non sans citer néanmoins un rapport de RealtyTrac qui avance qu’il y en eut 1.2 millions en 2006.

Que ceux qui pensent que le pire est derrière nous dans le fiasco des prêts sub-prime laissent au temps le soin de les contredire

Les trois quarts des prêts pour le logement faits durant la première moitié de l’année dernière ont à présent dépassé le taux d'impayés projeté lorsque leurs hypothèques furent conçues et vendues aux investisseurs, écrit Morgenson. “Ajoutez à ce tableau déjà peu réjouissant le fait que beaucoup de prêts contractés récemment le sont par des personnes qui n’ont probablement que peu ou pas du tout de capital propre. Comme les prix diminuent ensuite, ces emprunteurs se retrouveront piégés – la somme qu'ils devaient rembourser dépassant la valeur réelle de leur logement.”

Tout cela n’augure rien de bon pour le prix des logements, qui sont déjà stationnaires ou en chute. C’est comme ça que ça se passe quand les folies se dénouent”, ajoute-t-elle. Le 4 juin, Ben Bernanke, le nouveau Directeur de la Réserve Fédérale a admis que le ralentissement de l’immobilier résidentiel “semble devoir peser sur l'économie plus longtemps que ce qui était prévu”, mais a à nouveau exprimé sa confiance dans le fait que le ralentissement n’affecterait pas de façon négative l’économie en général- une apparente contradiction.[1]

A San Francisco, le 6 juin, des membres de l’ « Association of Community Organizations for Reform Now » (ACORN), ont tenu une conférence de presse en face du bureau local de la Banque de la Réserve Fédérale appelant le Fed à entreprendre une action pour protéger les propriétaires contre les prêts sub-prime non régulés, et pour que Bernanke émette des régulations pour protéger les familles travailleuses de ce genre de pratiques prédatrices. “Nous demandons à la Réserve Fédérale d’utiliser le pouvoir dont elle dispose pour réguler l’industrie plus strictement afin que les courtiers et prêteurs assument un tant soit peu la responsabilité de leurs actions”, a expliqué Jackie Philips, victime des pratiques prédatrices évoquées plus haut, dans les colonnes du journal en ligne Beyond Chron (le San Francisco Chronicle n'a pas pris la peine de couvrir l’évènement). ACORN a sponsorisé des actions similaires dans 25 autres villes dans tout le pays.

En ce qui concerne les villes, Indianapolis est en tête avec une maison sur 69 en voie de saisie

En 2006 il y a eu en Californie 142 429 saisies enregistrées - ce qui représente une croissance de 131% par rapport à 2005, le troisième taux d’augmentation à niveau national. Ceci représente une demande de saisie pour 86 foyers dans l’état, le quatorzième taux de saisies dans le pays. A échelle nationale, il y a eu 323 102 non-paiements d’emprunts entre janvier et mars, comparés aux 188 122 pendant la même période l’an dernier – une augmentation de 72%. Dans le classement des villes, Indianapolis est en tête avec une maison sur 69 en processus plus ou moins avancé de saisie. Dans le cas d’Atlanta, il s’agit d’un logement sur 70, suivi par Dallas, 1 sur 99, et Memphis, 1 sur 101, Denver en comportant 1 sur 105.

Les gens prennent un crédit à un certain taux d’intérêt, qui leur est souvent inconnu, taux qui a radicalement changé deux ans plus tard”, a expliqué Valarie Adams, membre de l’ACORN de San Francisco, à Beyond Chron. “Il s'agira d'une épidémie, de plus en plus de personnes seront forcées d’abandonner leur logement; des familles n’auront nulle part où aller.

Notre objectif est de s’assurer que les familles travailleuses obtiendront protection, justice et tranquillité, et laissent derrière eux leurs nuits d'insomnies”, a dit Adams.

Pendant ce temps, la Présidente du FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation), Sheila Blair, a exhorté Wall Street à faciliter la résolution de la crise de l’emprunt pour les foyers avec de mauvais crédits. S'adressant récemment à l’American Securitization Forum, un groupe qui représente les personnes qui réunissent et vendent les emprunts aux investisseurs, elle demanda à ceux-ci de la flexibilité dans la restructuration des prêts problématiques et qu'ils assument leur responsabilité pour les emprunts risqués dans lesquels ils investissent. “Beaucoup d’argent est en jeu, et des millions de personnes voient leur logement menacé”, a-t-elle déclaré.

La présidente du FDIC, Sheila Bair, a demandé aux investisseurs de Wall Street de la flexibilité dans la restructuration des prêts problématiques, et qu'ils assument leurs responsabilités pour les hypothèques risquées dans lesquels ils investissent.

ACORN a affirmé qu'il appuyait la législation qui empêcherait les prêteurs de fournir des prêts que les emprunteurs ne pourraient manifestement pas rembourser, que ce soit avant ou après l’augmentation des taux d’intérêts. Il demande en outre que les prêteurs soient tenus pour responsables de leurs actions comme courtiers et que les pénalités sur le remboursement des prêts sub-prime soit réduites ou supprimées. Il demande également que le ministre de la justice de l'état empêche les saisies sur des logements achetés au moyen de prêts prédateurs et que les shérifs du comté et les tribunaux se refusent à mener à bien la vente, éventuellement aux enchères, des logements saisis. Quand on lui demanda ce que la communauté et d'autres organisations et institutions pouvaient faire, Adams a expliqué au Beyond Chron: “visitez chaque recoin de chaque quartier et faites savoir aux habitants la gravité du problème et faites-les aider, parce que vous pourriez être le prochain.”

Par Carl Bloice, membre de la ligne éditoriale, est écrivain à San Francisco, membre du National Coordinating Committee of the Committees of Correspondence for Democracy and Socialism et a travaillé pour un syndicat de santé.

La crise de l'hypothèque
source : http://fr.habitants.org/article/articleview/1981/1/347/

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